Tempête en Héraldie

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Ce matin le Soleil est de sable, c’est à cause d’un petit carré de sinople qui, lorsqu’il se répand sur le plan d’argent, puise toute l’énergie du Soleil qui bientôt va mourir sauf si un autre petit carré de sinople vient conjurer l’action du premier.

Les Héraldiens ne veulent pas disparaître dans la vallée de l’ombre et de la poussière alors ils sont parvenus tant bien que mal à mettre le petit carré de sinople sous contrôle. Mais  le Blasonneux déclare que même si le carré de sinople est sous contrôle, le Soleil de sable est une force difficile à maîtriser car il est l’expression des souvenirs les plus ténébreux d’Héraldie. Cependant sa Dame pense que l’autre petit carré de sinople est en train de se configurer et que par conséquent Héraldie retrouvera son équilibre.

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Toujours est-il que le Bestiaire héraldique n’entend pas se laisser ainsi menacer par un petit carré de sinople. La Licorne la première montre au petit carré qu’elle peut faire aussi bien que lui. Sa belle encolure peut être de sable mais dans un ciel d’argent et ses pieds peuvent rester d’argent tout en défiant l’océan de sable. Trois Grenouilles de sinople l’accompagnent pour rappeler au petit carré qu’elles ne le craignent pas. Quant aux Chevaliers héraldiens, ils sont d’argent et ravagent avec la Licorne, l’océan de sable.

Le Soleil de sable ne craint pas la Licorne d’argent et de sable, il ne craint rien d’ailleurs sauf celui qu’il veut détruire : le Soleil d’or.

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Alors cachant le petit carré de sinople, il se dit qu’il allait s’amuser un peu. Il se métamorphose en mille sombres oiseaux illustrant une obscure psychose et ainsi envahit lui-même le plan d’argent. De temps en temps les corbeaux de sable se transforment en Aigles-Taureaux de sable également, mais attention ! le lecteur averti voit très bien qu’il ne s’agit pas des véritables Aigles-Taureaux héraldiennes, les pattes roses les trahissent. La véritable Aigle-Taureau possède des pattes d’or ou de gueules selon qu’elle est ange ou démon. On ne badine pas avec les couleurs en Héraldie ! Or le soleil de sable se trahit lui-même en ne respectant pas le code des couleurs. De ce fait personne n’est effrayé par le lugubre ballet du Soleil de sable, les Héraldiens détestent tourmenter leur âme. Ils sont prêts à tout pour supprimer la cause de leurs tourments. « Soleil de sable ne nous nargue pas trop ! pensent-ils, tu n’es pas le bienvenu ici. »

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Ainsi, comme le Soleil de sable a caché le petit carré de sinople, les Héraldiens décident de le chercher partout afin de neutraliser son action. Tout objet de sinople devient alors suspect et les fameux bouviers d’or se mettent à garder les lieux particulièrement de sinople. Les bouviers d’or sont plutôt simples et heureux de vivre si bien qu’ils ne sont pas effrayés sur les champs de sinople.

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Par contre le lièvre d’argent panique lorsqu’il se trouve en terrain de sinople, même son sommeil en est troublé car il voit des Goupils de gueules le poursuivre.

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Mais aujourd’hui un détail important marque l’attention des Héraldiens : sur un triangle de sinople on distingue un arbre d’argent manifestement paresseux et en détresse. Serait-ce ici que se trouve le carré de sinople ? Les Héraldiens après maintes recherches ne voient rien mais se souviennent de la remarque du Blasonneux : « C’est juste un petit carré de sinople sur un plan d’argent. Mais ce carré, certains jours, en occupe toute la surface. Il s’y répand telle une tache d’huile sur la mer. Ces jours-là, le soleil est noir. Il luit au fond de la vallée. » N’y aurait-il pas un lien entre le carré de sinople et l’arbre de Paresse d’argent ? Les Héraldiens décident alors d’aller chercher le Blasonneux pour faire le point avec lui et dès qu’ils arrivent devant lui, horreur ! Ils voient clairement le petit carré de sinople. C’est bien lui! Il n’y a pas de doute, le carré de sinople est là devant eux près du carré d’argent.

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Interdits, les Héraldiens n’osent pas bouger. Tous les oiseaux d’Héraldie se taisent sauf les corbeaux de sable qui reprennent leur lugubre ballet se métamorphosant de temps en temps en faux Aigles-Taureaux, même le vent s’arrête, on dit que certains Héraldiens ont vu à cet instant précis l’ombre de l’Aigle bicéphale passer puis repartir aussitôt, saisie d’effroi. Déjà le Lion héraldique se teinte de sable tant sa peine est lourde, il sait qu’il ne peut pas laisser le Blasonneux en liberté, le carré de sinople est trop dangereux pour l’équilibre d’Héraldie. Ce dernier cependant plaide sa cause : « Mais, il est sous contrôle ! », sa Dame pleure et se tord les mains de douleur : « Je vous assure qu’un autre petit carré de sinople est en train de se configurer, il annihilera l’action de celui-là, je vous en prie, donnez du temps au Blasonneux, faites-lui confiance. »

Mais le Lion héraldique ne pouvait prendre ce risque. Le Blasonneux est alors enfermé au cachot et les bouviers d’or qui maintenant n’avaient plus aucune raison de surveiller les champs de sinople en gardent l’entrée.

Héraldie est maintenant sans dessus-dessous. Tous les animaux deviennent incertains, les Chiens d’azur se mettent à danser, les coqs demandent grâce, voyez le cavalier d’argent dans quel état il est, il ne sait plus où donner de la tête ! La Licorne d’argent frôlant la folie se coiffe d’un bicorne à cocarde.  Même les corbeaux de sable deviennent monstrueux et se mêlent aux autres Héraldiens.

Le Griffon d’or, le cousin du Lion héraldique, devient de gueules et voici que soudain triple tête il porte ! Sa trajectoire ronde, se fermant sur lui ne le conduit nulle part, alors il grogne, revenant sans cesse à son point de départ : « Toujours personne en vue ! Serais-je seul au monde ? »

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Devant un tel désastre, le Lion héraldique, fou de désespoir, lutte férocement contre son désir de tuer  le Blasonneux.  Le soleil de sable l’envahit mais armé et langué de gueules, il parvient à garder un soupçon de lucidité : « Non, tuer le Blasonneux n’est pas une solution,  tuer le Blasonneux est sûrement ce que veut le soleil de sable, tuer ne mène à rien, le mal resurgit toujours ailleurs… Il trouvera… le Blasonneux trouvera en lui-même la solution… »

Épuisé, le Lion héraldique tombe dans un profond coma, laissant son peuple en proie à une folie furieuse.

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Les sages bouviers d’or qui ont les deux pieds bien sur terre parviennent malgré ce chaos en Héraldie, à garder leur âme en accord avec l’Univers. Ils gardent donc tranquillement le cachot du Blasonneux, encouragés par des Minotaures volants. Cependant le coma du Lion héraldique, l’enfermement du Blasonneux, plongent Héraldie dans une période douloureuse.
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Les nuits sont terriblement longues et seuls quelques batraciens d’or éclairent l’obscurité épaisse, plus aucun Héraldien ne se promène au clair de lune et les étoiles ont disparu, alors les Héraldiens se couchent et dorment en espérant uniquement que demain sera un jour meilleur.
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Les journées sont rougeoyantes tant les Héraldiens désirent se débarrasser du petit carré de sinople qui, lorsqu’il se répand sur le plan d’argent, puise toute l’énergie du Soleil qui bientôt va mourir. Alors pour les distraire, des Jongleurs léonins parcourent l’Héraldie, ces Jongleurs sont certes habiles et gracieux mais ils ne sont que des commensaux du Lion héraldique terrassé par le coma. Sans leur Lion, les Héraldiens se sentent déjà à moitié morts.
Enfermé dans son cachot,  le Blasonneux est de plus en plus taciturne. Le petit carré de sinople qui l’habite est tranquille maintenant à l’ombre de ce cachot pour achever son silencieux travail de sape! Et en effet  le Blasonneux se vide de sa vie à vue d’oeil, le pire est qu’il se laisse faire, persuadé qu’on ne peut pas échapper à son destin. Il se met à répéter inlassablement les mots : « Enfermant. finissant. Rien n’est dit. Jamais. Parce que rien n’est vraiment vécu.» Il se met à rêver qu’un boulet de fonte traîne à ses pieds. Chaque jour lui pèse. Chaque individu lui apparaît comme un monde finissant, craquelé et moisi. Il se prend à penser que rien ne tient, tant le petit carré de sinople, travailleur acharné, le harcèle en revenant malgré lui à la surface, mettant à jour des souvenirs ténébreux qui le tuent. Sans relâche le petit carré de sinople appelle le soleil de sable qui bientôt viendra éteindre la dernière luminosité qui anime encore  le Blasonneux.
Heureusement, le plus sage des Bouviers d’or qui le gardent s’aperçoit de son état et se souvient que le lion héraldique a dit que la mort n’était pas une solution, si bien qu’il alerte ses compagnons qui aussitôt avertissent les Minotaures volant. Sans tergiverser et malgré le coma du Lion héraldique, l’ordre de libérer le Blasonneux est donné.
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Les Minotaures volant cependant mandent l’Oie sauvage de sable parce qu’ elle a si souvent croisé le soleil de sable au cours de ses vols qu’elle en est imprégnée, mais armée et becquée de gueules elle sait comment lui résister. Elle seule, pensent les Minotaures volant, peut trouver une issue à cette situation inextricable. Les Goupils d’azur deviennent d’argent afin d’aider l’Oie sauvage de sable à lutter contre le petit carré de sinople qui envahit le plan d’argent.
(Certes le lecteur averti se dit sûrement que cette Oie n’a pas l’air très sauvage mais qu’il se détrompe en lisant la suite)
Dans l’ Héraldie, de sable la nuit et rougeoyante le jour, l’Oie sauvage de sable armée et becquée de gueules n’est ni plus ni moins que le Lion héraldique qui était lui-même de sable armé et langué de gueules. Il revient d’un lointain séjour où il a rencontré les plus grandes puissances d’Héraldie, au moins aussi puissantes que le petit carré de sinople, différemment certes mais de force sûrement égale.

Le Lion héraldique qui a pu, au cours de son voyage, s’entretenir avec les Juges d’or d’Héraldie, revient avec la ferme intention de se débarrasser du petit carré de sinople. Tant sa colère est grande que son corps est devenu de gueules, sa tête a cependant encore les traits de l’Oie sauvage de sable. Le Lion héraldique est ivre de colère si bien que les Goupils d’argent pour s’en protéger préfèrent se déguiser en Ânes d’argent volants. Le Lion héraldique ordonne que le Blasonneux soit placé sur une Nef de sable voguant sur une mer d’argent, car il doit affronter son destin, les Vents d’or veillent néanmoins sur lui.

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Alors on voit un effroyable combat s’organiser sur les flots d’Héraldie. Un combat intérieur intense, vue la densité du chargement des Nefs, dont les répercussions altèrent l’équilibre cosmique de toute l’Héraldie. La mer s’agite et devient de sinople, tous les Héraldiens comprennent qu’il s’agit du petit carré qui s’étend sur le plan d’argent. Les Licornes, les Mouettes, les Étoiles, d’argent viennent lui faire signe mais rien n’y fait la mer de sinople devient de plus en plus houleuse.

Le Blasonneux semble avoir perdu le contrôle de sa Nef car le gouvernail d’argent qui pourtant était fort solide, vient de se détacher.

Mais alors que les vagues s’apprêtent à engloutir la Nef de plus en plus fragile et désorientée, et cela malgré la voile d’argent qui vient d’être hissée, un Hibou d’or tenant un rameau d’argent se manifeste dans le ciel.
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La mer redevient alors ondée d’azur et d’argent, les Héraldiens réalisent que le Blasonneux entre dans une période religieuse, sans doute s’interroge-t-il sur des questions existentielles.
Le Lion héraldique accompagné de poissons volants, le tout d’argent, l’encouragent à poursuivre sa réflexion intérieure. Même si de temps en temps, il se laisse distraire par quelques Trolls hilares.
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Le calme apparemment s’installe sur les flots, l’argent semble avoir pris le contrôle du carré de sinople puisque l’équilibre s’installe entre le sable et l’argent. Alternativement en effet, la Mouette de sable et la Mouette d’argent tournoient autour du signe de l’Harmonie.
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Quand soudain surgit une hideuse Nef de sinople et de sable, énorme, très probablement invincible.
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L’Ange contemporain des Grandes Pyramides est alors dans l’obligation d’intervenir s’il ne veut pas que le carré de sinople triomphe. Aidé de quatre Lunes d’argent, des Licornes d’argent et des Goupils d’argent déguisés en Ânes volants, il parvient à rétablir l’équilibre de la Nef du Blasonneux. Même une petite Étoile de mer de gueules participe, car elle se dit qu’elle est peut-être utile.
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La Nef devient d’or puis d’argent puis d’or et d’argent, tant le combat intérieur du blasonneux est agité. Ces atermoiements durent longtemps, longtemps…
« Mais que fait le Blasonneux ? pensent les Héraldiens, quand prendra-t-il enfin le Taureau par les cornes ? L’Ange contemporain des Grandes Pyramides est patient certes, mais il ne peut pas rester en permanence à côté du blasonneux, il doit prendre en main son destin lui-même ! »
L’événement tant espéré se produit alors :  le Blasonneux devient subitement le maître incontesté de sa Nef voguant sur une mer d’or.
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Tous les Héraldiens  sont persuadés que cette prise de position sera durable. Pourquoi? parce que sur la voile d’argent, on voit que les cornes du Taureau  sont de sinople, cela signifie que le Blasonneux  contrôle totalement le carré de sinople, il est à son service désormais, entièrement lié à son esprit. Le petit carré de sinople est assujetti à sa volonté. Le Blasonneux est libre maintenant de naviguer vers son étoile.
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Lorsque tout fut calme à nouveau en Héraldie, on vit, naviguant sur une mer d’argent, un Fringant papillon, le pilote des Nefs héraldiennes. Il savourait cette victoire sur le petit carré de sinople. Il avait eu si peur qu’au cours de ce terrible combat sur la mer héraldienne, Héraldie soit engloutie. Que serait-il devenu lui qui vivait là, parmi sur ses fleurs?
Pour fêter la fin du combat, on fit venir des tonneaux du meilleur vin d’Héraldie. Les Héraldiens chantèrent et dansèrent toute la nuit jusqu’au lever du soleil d’or.
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Fin du conte : Tempête en Héraldie,

inspiré et illustré par Cochonfucius

Pierrette

2 réflexions sur « Tempête en Héraldie »

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Héraldie, seconde fondation: 13 mars 2017. (Héraldique et Poésie)

Héraldie est né le 30 avril 2012, ceux qui l'ont fondé sont maintenant partis. Mais moi, Le Fringant Papillon, je reste dans ses jardins pour butiner ses fleurs. C'est là aussi que l'Enchanteur aux mille poèmes a un atelier.

Hortus Closus

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