
Blason de Adam-lès-Vercel
Sur le pré une pluie drue tombe tout d’un coup.
Mirabelle va s’abriter sous un grand hêtre,
Hélas plusieurs vaches revêches l’envoient paître
Sous le prétexte qu’elles sont déjà beaucoup.
Ne désirant recevoir ou donner des coups,
L’éconduite prend le parti de se soumettre
Et de chercher ailleurs un refuge où se mettre
Pour éviter de finir trempée jusqu’au cou.
Elle court tenter sa chance sous un autre arbre
Mais ses congénères en place restent de marbre
Devant sa demande de profiter du lieu.
Brusquement le ciel prend les asiles pour cible,
Foudroie en un éclair les bovins insensibles,
Punissant ces êtres peu miséricordieux.
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Coupé, au premier d’azur billeté d’or au lion couronné d’or, lampassé et armé de gueules issant sur la partition, au second d’or à une vache d’azur, encornée, encollée et clarinée du même, surmontée de trois feuilles de chêne d’azur mises en fasce.

Tu me fais redécouvrir d’anciens « Mirabelle », du temps où je ne me formalisais pas avec l’alexandrin. Je retrouve ma vache, complètement, mais la forme est moins jolie. Je crois que si je m’étais à l’époque imposé cette contrainte j’aurais été découragé d’avance et je ne l’aurais pas écrit. J’en étais content pourtant sinon je ne l’aurais pas publié mais c’est vrai qu’à cette heure-ci je le retravaillerais. L’alexandrin donne un rythme. Le sonnet mérite alors d’autant plus son nom, il est plus musical. Ca me fait plaisir que tu les déterres mes vieux Mirabelle.
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Tu es un poète rigoureux. J’ai commencé à rassembler les sonnets sur Mirabelle en un recueil il y a un longtemps déjà et j’aimerais qu’il soit complet.
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Rigoureux, c’est un adjectif qui va très mal avec ma personnalité selon certaines personnes dont je suis. Question rigueur, en poésie, on peut faire beaucoup, beaucoup mieux mais il est vrai que je m’étonne parfois d’être si attaché à respecter certaines contraintes. Pour moi, il est question d’écrire. Que ce soit un sonnet, un tanka, dans le cadre d’une correspondance ou encore d’un commentaire comme je le fais à présent, c’est ça qui compte, écrire. Je suis près à supporter beaucoup de contraintes pour y arriver. L’écriture c’est un peu comme la bandaison pour paraphraser Brassens, ça ne se commande pas. Je n’écris pas quand j’ai envie de le faire sinon je le ferais tout le temps mais quand l’écriture veut bien de moi. C’est un peu comme la mer dans Brice de Nice, je ne sais pas si tu connais cette scène mais c’est un type qui se la joue super surfer et qui trouve toujours un truc pour ne pas montrer qu’il ne sais pas faire de surf, un jour il est devant la mer et il se justifie en disant qu’aujourd’hui la mer « ne veut pas de moi ». C’est un peu pareil sauf qu’il m’arrive d’écrire. Le fait que je trace des mots n’en est pas la preuve, la preuve à mes yeux c’est l’état mental dans lequel je suis quand je le fais. « La poésie, pour moi, c’est le temps durant lequel un homme oublie qu’il va mourir ». (Georges Perros), autrement dit la poésie à un gout d’éternité. L’écriture ne semble venir qu’à certaines conditions qui ne sont pas toujours les mêmes, des fois il me faut pour qu’elle arrive que je me donne un cadre, celui d’un sonnet par exemple, d’autre fois, c’est quelqu’un qui dit quelque chose et qui me fait réagir.
À travers le mur de mes sens,
Je pressens d’autres emmurés vivants.
J’écris, c’est un mystère
Je vis, c’est un miracle
Depuis des siècles et des siècles, je crie : Au SECOURS !
On me répond : Attendez votre tour.
Paul Valet
« J’écris c’est un mystère »
J’aime bien ce poète. Il y en a plein des comme lui, méconnus mais qui sont de très très bonne qualité.
Nous n’avons pas le temps de creuser nos pensées
Nous n’avons pas le temps de peser nos paroles
Qui trahissent notre destin tortueux
Trop de fruits sont tombés sur notre champ caillouteux
On y glisse
On y tombe
Le surplus nous dévore
Oui, les fleurs sont les mêmes
Et les champs demeurent labourés comme jadis
L’écume du ciel mange l’horizon gris
Et le vert de l’herbe me pénètre jusqu’au cœur
Quand j’oublie qui je suis
Tout est là
Rien ne bouge
Les agneaux paissent dans une blanche prairie
Que le brouillard lèche nuit et jour
Avec sa langue maternelle
Nous n’avons pas le temps d’ouvrir nos paupières
Sur tant de beauté surhumaine
Qui nous fuit
Plus de rire, plus de larmes, plus de chant
Le soleil est trop pâle et mon cœur est trop chaud
Pour la vie
***
Paul Valet (1905-1987) – Paroles d’assaut (1968)
J’aime particulièrement le final, il est terriblement beau, à partir de « Tout est là… ».
Je l’ai trouvé sur Beauty will save the world. Un ami m’a demandé de correspondre avec lui ces jours-ci, ça m’a paru étrange comme demande, ça ne se commande pas papa. Je comprend bien pourtant ce qu’il voulait dire. Il a envie d’écrire. Ca pousse. D’ailleurs après il m’a parlé de son projet de s’inscrire à un atelier d’écriture. Moi ça ne me convient pas pour l’instant mais qui sait si je ne devrait pas en passer par là un jour pour écrire ? Je me suis bien mis à faire des sonnets, alors que je n’aimais, à part quelques rares exceptions, que les vers libres et qui plus est je raconte dedans depuis quelque temps l’histoire d’une vache, moi qui suis plutôt à aimer les auteurs réputés difficiles comme Duras ou Perec et récemment Gracq. Je ne sais pas où ça me mène. Je ne sais pas ce que je serais capable de faire pour qu’elle veuille de moi… . Beaucoup je crois, peut-être pas temps que d’autres quand même, je ne sais pas. Je sais que certains lui ont consacré leur vie, lui ont sacrifié tout confort matériel ou presque. Je ne sais pas si je pourrais être capable de ça. Je crois que oui, que ne ferait-on pas pour une parcelle d’éternité ?
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Peut-être aussi que tu es cochonfucianisé, comme moi.
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C’est certain que sans lui je ne me serai jamais risqué au sonnet.
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Moi c’est pareil. Cochonfucius maîtrise totalement n’importe quelle forme poétique, le sonnet est la forme la plus rigoureuse et paradoxalement plus on est rigoureux, mieux on peut s’exprimer. A l’intérieur de la forme du sonnet ou autre parfois, Cochonfucius fait entendre une voix humaine, drôle, touchante, variée, réfléchie… les couleurs et le bestiaire héraldiques mettent en scène les mots qui se déroulent au son des rimes et du rythme. C’est un véritable régal, une fête.
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