
Robert saute les frontières,
Il chante quand vient le soir ;
Accroché à la portière,
Il agite son mouchoir.
Il fait du feu sous les arbres
Pour réchauffer les amants,
Pour qu’ils ne restent de marbre :
Il les préfère déments.
Et pour rejoindre Florence
Il prendra tous les chemins,
Il ne craint point la souffrance
Ni de se meurtrir les mains.
Il va, sous un ciel opaque,
Il fait sa route aujourd’hui
Comme un marcheur de Saint-Jacques
Devant qui l’horizon fuit.
Il la chante à pleine gorge,
Sa jolie chanson d’amour,
Les motifs que son coeur forge
Et déforme tour à tour.
Il s’adresse aux anonymes,
Les entraînant, corps et biens,
Au vagabondage ultime
Des prophètes et des chiens.
Robert, ton renom se dresse
Tel la flamme d’un grand feu !
Tu mets fin à la détresse
Des laboureurs et des boeufs.
Tu éclaires de ton rire
La forêt aux cent parfums ;
Ta silhouette se mire
Au long des canaux défunts.
Tu as trois cents amoureuses
Qui la nuit rêvent de toi ;
Mais c’est ta muse égareuse
Qui peut te dicter sa loi.
Tu longes les précipices
En allant voir tes amis ;
Ton poème d’aujourd’hui
Est comme un feu d’artifice.
Oublie les critiques vaines,
Donne-nous de beaux écrits ;
Tu ne perdras point ta peine,
Tu ne perdras point ton cri.
Robert, héros de la langue,
Nous partageons ton festin,
Nous oublions notre cangue,
Nous butinons ton butin.
La poésie et l’ivresse,
Les livres et les bouteilles :
Pas besoin d’autres maîtresses,
Pas besoin d’autres merveilles.
