
Toile de Otto Dix
Cochonfucius grandit au coeur de Noirciprose.
Le ciel de poisson fut très grand, calme et si gris,
Et jeune et nu et fort et même un peu pourri,
Cochonfucius l’aima, son cadavre y repose.
Car ce ciel de poisson est de peine et de joie,
Cochonfucius dormait, sans rien voir, sans désir,
Dans le couchant grenat et l’aube de zéphyr,
Faisant des cauchemars à cause de son foie.
Picolant à Cluny qui est sa cathédrale,
Cochonfucius arbore un air de fin gourmet.
Et si torché soit-il, il ne sombre jamais,
Tirant à lui le ciel de poisson vers les dalles.
Entouré de la foule ignoble des buveurs,
Cochonfucius est fort de mille turpitudes.
Et le ciel de poisson a la bonne habitude
De couvrir constamment ses airs un peu rêveurs.
Et Margoton qui lui verse à boire en riant
Vient pour un bref instant s’asseoir sur ses genoux,
Pour un chaud plaisir à la mode de chez nous.
Cela, on n’en meurt pas, ou l’on meurt en priant.
Cochonfucius ne voit partout que des cadavres,
L’univers en devient assez voluptueux.
Mourir fait de la place et n’est pas tortueux,
C’est le plus sûr chemin, c’est le meilleur des havres.
Ce lieu existe, ou bien il n’existe aucun lieu,
La chose est en soi-même assez indifférente ;
Cochonfucius jamais sur un point ne plaisante,
C’est qu’il faut que le vin qu’on boit soit assez vieux.
Cochonfucius dit : « Quand la vie te donne tout,
Laisse-la s’en aller, elle n’a plus que dalle. »
Nul ne craint des frelons l’ordure qui s’étale,
Mais nous craignons leur voix, et leur regard, surtout.
Tous les frelons, pourtant, sont bons à quelque chose,
Mais non pas leur regard, et surtout pas leur voix.
Quand on sait ce qu’on veut, on ne sait par quel choix,
Rien n’est gratuit, rien n’est fortuit à Noirciprose.
Sans un peu de travail, il n’est pas de plaisir.
C’est ce qu’un fabuliste avait dit aux primates,
Chacun doit s’appliquer, même celui qui mate,
Toute affaire n’est pas toujours bonne à saisir.
Les frelons ! Ils sont trop paresseux et trop mous.
Ne savent-ils qu’ils sont à l’image de Dieu ?
Ils devraient se montrer plus forts et plus joyeux,
Et nager dans ce monde en bravant les remous.
Disciples, soyez forts ! les frelons sont débiles.
Ils ne savent chanter, ni faire des chansons.
Leur destin sur la Terre est en queue de poisson,
Gigotant sur le sable en danses malhabiles.
Cochonfucius ne peut sortir de Noirciprose.
Ça tombe bien, car il aime son intérieur.
Du pain et du fromage et du vin supérieur,
Quand on a tout cela, faut-il donc autre chose ?
Il picole en ayant sa liberté entière,
Noyée un petit peu, ça lui fait doux regard.
Il aime s’égarer, les yeux un peu hagards,
Et emprunter parfois le trou d’une chatière.
Il guigne vers là-haut un frelon aviné
Qui au ciel de poisson veut manger sa dépouille.
Parfois il fait le mort. Ce frelon ! Quelle andouille !
Cochonfucius mange un frelon pour son dîner.
Sous le ciel de poisson ne sont que sombres astres,
Et l’herbe pousse noire au bord des sombres champs.
Mais de Cochonfucius est plus sombre le chant
Quand il va promenant sa mine de jobastre.
Quand son ventre a tiré Cochonfucius en bas,
Il a posé sa tête en disant J’ai mon compte.
Il fut si plein du ciel de poisson et de honte
Que, mort, le ciel devient son nouvel ici-bas.
Cochonfucius fut mis en terre à Noirciprose.
Le ciel de poisson reste assez grand, calme et gris,
Et jeune et nu et fort et même un peu pourri,
Cochonfucius l’aima, son cadavre y repose.
Cochonfucius